Stérilisation ou castration des jeunes chiens : avantages et inconvénients
Les personnes qui envisagent la stérilisation, vers l’âge de 6 mois, de leur jeune chien ou chienne, soit avant la puberté, m’interrogent souvent à ce sujet à l’Ecole du chiot. Certes, en tant qu’éleveuse, je peux parler de mes multiples expériences, mais je vais aller plus loin en essayant de faire une synthèse des derniers articles vétérinaires qui en parlent.
On parle généralement de stérilisation pour une femelle et de castration pour le mâle. Mais l’effet est le même : il y a suppression des hormones de la reproduction et les conséquences sur l’organisme sont souvent semblables. Je n’utiliserai donc pas systématiquement les deux mots.
Les motivations avancées à la stérilisation précoce des chiennes ou à la castration des jeunes mâles sont diverses. Parmi les raisons invoquées le plus souvent :
- Gêne occasionnée par les pertes des chiennes en chaleur
- Suppression du risque de cancer des mamelles
- Risque de portées accidentelles ou de saillies des « jolies filles » du quartier
- Pour que le mâle ne lève pas la patte partout et/ou ne fugue pas
- Pour éviter l’agressivité entre mâles
Chacun, chacune a ses raisons pour demander la stérilisation ou la castration dès 6 mois. Pour ma part, je pense que celle-ci peut être recommandée avec raison dans les cas suivants :
- S’il y a des risques de saillies intempestives car il y a un chien ou une chienne du sexe opposé à la maison ou des chiens/chiennes du voisinage qui peuvent facilement pénétrer dans un jardin mal clôturé.
- S’il y a des cas de cancer mammaire parmi les ascendants de la chienne. La stérilisation avant les premières chaleurs réduit ce risque presque à zéro.
Pour la plupart des autres cas, il y a moins d’urgence à stériliser aussi jeune, cela pouvant toujours se faire par la suite, si nécessaire ou souhaité, comme par exemple :
- Lorsque la chienne a des chaleurs douloureuses, s’il y a « grossesse nerveuse » et/ou « lactation nerveuse » importante, si les chaleurs sont anormalement rapprochées… situations qui mènent souvent à une métrite, un cancer mammaire ou des ovaires.
- Si un 2e chien de sexe opposé est arrivé dans le foyer, il vaut mieux prévoir de stériliser avant d’avoir la mauvaise surprise d’une portée inopinée. A noter qu’il ne faut pas croire qu’une chienne doit avoir une portée pour se sentir bien. Ça c’est de l’anthropomorphisme. Ce n’est que vous qui avez envie ou non d’avoir des chiots.
- Si votre mâle devient très agressif envers les autres mâles ou s’il fugue lorsqu’il y a des chiennes en chaleurs dans le quartier et que cette situation est fréquente. Alors oui, la castration peut aider, mais elle ne résoudra pas tous les comportements agressifs de votre chien.
- Et si votre mâle est monorchide ou cryptorchide (il n’a qu’un testicule en place ou aucun). Le risque de cancérisation du ou des testicules restés dans le ventre est alors bien réel, mais pas immédiat. Dans ce cas la castration est conseillée au plus tard vers l’âge de trois ou quatre ans.
Venons-en aux motifs que je dirais de « confort » :
- Vous ne voulez pas que votre chienne salisse votre intérieur lorsqu’elle est en chaleurs. Des culottes existent… et deux semaines deux fois par an, c’est peut-être gérable ?
- Vous craignez que votre mâle ne lève la patte partout. Attention ! Ce comportement de marquage n’est pas uniquement lié aux hormones mâles, certaines chiennes marquent également. Il est simplement accentué lorsqu’il y a une chienne en chaleurs dans le secteur. Il est normal qu’un chien veuille laisser son odeur en urinant ou qu’il cherche à recouvrir d’autres odeurs. C’est tout un langage olfactif qui nous échappe. Il faut juste que votre chien apprenne que ce n’est pas permis partout et il faut penser qu’à la puberté, il y a un deuxième apprentissage de la propreté à faire. La castration ne résoudra donc que partiellement ce problème de marquage, et uniquement dans les cas où il y a des femelles en chaleurs à proximité.
La stérilisation ou castration est IRREVERSIBLE !
Elle est le plus souvent bénéfique mais cette décision ne doit pas être prise à la légère. Outre qu’une opération n’est jamais sans risque si minime soit-il, elle n’est pas sans désagréments par la suite pour bon nombre de chiennes ou de chiens. Les hormones liées à la reproduction, et dont la production est supprimée par la stérilisation, servent aussi à d’autres choses que la reproduction. Ces hormones jouent également un rôle dans la croissance osseuse, le tempérament, la régulation de l’appétit et les caractéristiques du pelage.
On va généralement constater, dans les six à douze mois qui suivent la stérilisation ou la castration (le temps nécessaire à la disparition progressive des hormones) :
- Une prise de poids, conséquence d’une augmentation de la faim. La régulation de la satiété dans le cerveau est perturbée par l’absence de l’hormone. Une limitation rigoureuse de la quantité de nourriture devient alors nécessaire pour éviter l’obésité, avec toutes les conséquences qui en découlent. Le passage par un aliment spécifique peut être nécessaire. Mon expérience personnelle m’a fait découvrir qu’une nourriture sans céréales, plus ou moins diminuée en quantité si nécessaire, permettait aux chiens stérilisés de garder leur poids de forme.
- Un risque d’incontinence, lorsque le chien dort, qui peut apparaître plusieurs années après la stérilisation. Un traitement est possible dans la plupart des cas. A noter que ce phénomène touche plus particulièrement les chiens de moyenne et grande taille. C’est probablement la raison pour laquelle je n’ai jamais observé d’incontinence chez mes chiens, mais ils sont tous de petite taille.
- Une modification du pelage. Certaines races et certains types de fourrures y sont plus sujets que d’autres. Le poil devient plus fin, ou plus long, plus laineux et terne, s’emmêle plus facilement ou ne se laisse plus trimer pour les races à poils durs (tonte obligatoire alors). Bref, la fourrure change et demande plus d’entretien. Par exemple : des pattes qui auparavant étaient couvertes d’un poil lisse et plaqué peuvent finir en « pattes d’éléphant » disgracieuses et retenant toute la saleté. Certaines races sont plus touchées que d’autres (mais pas tous les chiens de la race) : cocker, golden, cavalier King Charles, schnauzer, épagneuls, etc…
Exemple de modification de la fourrure d’une chienne Epagneul Papillon : à gauche, avant stérilisation et à droite, 2 ans après stérilisation. La fourrure est devenue bien plus longue et plus fournie, les poils se sont affinés et ont tendance à se nouer, les pattes et les pieds doivent être toilettés pour enlever l’excès de poils. |
- Un risque de fragilité osseuse et articulaire augmenté durant la croissance des grandes races lorsque la stérilisation a été faite aux alentours des six mois (avant la puberté). La cause en est le retard de fermeture des cartilages de croissance du fait du manque hormonal.
- Un risque de vaginite persistante chez la chienne stérilisée jeune, surtout si celle-ci avait une vaginite au moment de l’opération (une vaginite est fréquente chez les chiots et disparaît habituellement après les premières chaleurs).
Différents types d’opérations peuvent être envisagés et c’est un point à discuter avec le vétérinaire. Pour la chienne de six mois il est souvent préférable d’ôter uniquement les ovaires.
Si la chienne a déjà eu ses premières chaleurs (par exemple juste avant l’opération programmée) il est vivement conseillé de laisser passer les deux mois qui suivent la fin des chaleurs avant stérilisation.
Chaque cas est particulier. La décision doit être prise après réflexion : il faut prendre conscience de ce qui est le plus important entre le bénéfice escompté et les inconvénients qui en découlent.
Mais attention à l’anthropomorphisme : curieusement, on constate en France qu’il y a bien plus de chiennes stérilisées que de mâles castrés… on se demande bien pourquoi !!!
Simone, janvier 2015
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Ci-dessous, pour ceux qui veulent approfondir le sujet, un article intéressant du Pr Lévy, vétérinaire associé du Dr Mimouni, spécialiste de la reproduction. Cet article a été écrit pour une revue de vulgarisation scientifique grand public.
« La stérilisation est un acte trop souvent banalisé sous le terme générique acte de «convenance». Bien entendu, la stérilisation présente de multiples bénéfices pour nos compagnons domestiques: prévention des gestations accidentelles et de leurs conséquences(surpopulation, abandons et épidémies), réduction du risque de tumeurs mammaires et autres affections génitales (infection utérine, maladies prostatiques et testiculaires, etc.), impact comportemental (fugues, agressivité hiérarchique, marquages intempestifs, etc.) et gêne occasionnée par les chaleurs (pertes hémorragiques chez la chienne, et miaulement incessant de la chatte). Néanmoins, retirer les organes génitaux d’un animal et soustraire son organisme à toutes les hormones qu’ils produisent n’est pas sans conséquence sur l’organisme et ses différentes fonctions sujettes aussi à la régulation hormonale (croissance osseuse, etc.). Depuis la fin du XXème siècle, différentes études s’intéressent aux effets à moyen et long terme de la stérilisation sur l’animal: développement comportemental, croissance, défenses immunitaires, incidence sur l’apparition de différents cancers, embonpoint, etc. Les premiers effets indésirables démontrés après la stérilisation ont été le risque augmenté d’obésité et d’incontinence urinaire (chez les canidés).La prise de poids est lié à une réduction importante du besoin métabolique quotidien (de 20 à 30%) associé à une dérégulation hormonale du centre de satiété dans le cerveau. Elle n’est pas inéluctable mais nécessite un contrôle alimentaire strict au quotidien. L’incontinence urinaire est surtout présente chez les chiennes de plus de 20 kg et largement prépondérantes dans certaines races (doberman, boxer, retrievers, etc.) ; son mécanisme est complexe et associe une baisse du contrôle involontaire de la miction ainsi qu’une une perte d’élasticité de la vessie). La stérilisation précoce (avant l’âge de 4 mois) ne semble pas augmenter le risque d’incontinence mais le rendrait plus délicat à guérir. Dans les années 2000, des premières études ont alerté sur le retard de fermeture des cartilages de croissance (sous dépendance des œstrogènes) lors de castration avant la puberté. Ce prolongement de la croissance osseuse interrogeait sur l’impact en termes de croissance harmonieuse des processus articulaires (incidence sur la dysplasie) et le risque de fractures de croissance. Une étude publiée en 2013 sur plus de 700 chiens de race golden retrievers indique un risque très augmenté de dysplasie de la hanche et de rupture des ligaments croisés antérieurs du genou quel que soit l’âge de la castration. Cette même étude alerte aussi sur une augmentation significative du risque d’apparition de cancers (mastocytomes, etc.) touchant différents organes chez la chienne (non observé chez le mâle). Ce risque accru de cancer chez les animaux stérilisés semble confirmé par une étude récente (2014) réalisée sur plus de 5000 chiens de la race Vizslas (braque hongrois à poils court). Ainsi, différentes études indiquent que la castration n’est pas un acte anodin se limitant à supprimer la fonction de reproduction et ses comportements indésirables associés. Mais, elle engendre de multiples répercussions sur la régulation de l’organisme, de la cellule (risque de cancer), au métabolisme énergétique (obésité) à la morphologie même du chien (croissance osseuse). Ne crions pas au loup en accusant la stérilisation de rendre nos compagnons plus malades qu’en les laissant entiers. En effet, à l’inverse des études précitées, une étude majeure publiée en 2013 sur 40000 chiens a montré une durée de vie significativement plus importante de la population de chiens castrés à celle des chien(ne)s laissés entiers. Rappelons qu’une chienne sur deux développe une tumeur mammaire dans sa vie, qu’au moins 10%des chiennes développent une affection grave de l’utérus après 8 ans, et que plus de 80% des chiens mâles souffrent d’une affection prostatique après 9 ans. Tandis que certains cancers dont la fréquence semble très augmentée chez la chienne stérilisée ne représentent que 1% des maladies décrites ; la dysplasie très fréquente dans de nombreuses races est essentiellement un problème de sélection génétique et d’environnement. Pour conclure, la stérilisation ne doit pas être banalisée et ses méfaits rester tabous. Il convient de mesurer les bénéfices et les effets indésirables pour chaque compagnon en fonction de son espèce, de sa race, de son sexe, de son mode et milieu de vie. Toutes ces questions ont des réponses qui peuvent être discutées à la faveur d’une visite chez votre vétérinaire afin de décider de la meilleure option pour votre compagnon et vous : doit-on stériliser ? A quel âge ? Quelle chirurgie ? Existe-t-il des alternatives médicales efficaces et réversibles ? » |